“Tu seras gentille ?” roman autobiographique de Caroline Elbaz

D’abord il y a le regard, un regard sombre, éperdu, d’une tristesse insoutenable, d’une douloureuse profondeur … son cou frêle et gracile semble difficilement porter tant de souffrance … elle baisse les yeux et semble dire des mots, les mots  …

… Je tourne les pages du roman autobiographique “Tu seras gentille ?” écrit par Caroline Elbaz, journaliste de formation et, en exergue de son texte, je trouve une citation de Janusz Korczak  “L’enfant a le droit au respect de sa dignité et de son amour-propre, ne pas piétiner, ne pas humilier, laisser vivre sans décourager, ni brusquer, ni presser, du respect pour chaque minute qui passe.”

Ce même Janusz Korczak  auteur du livre “Comment aimer un enfant” qui a choisi délibérément d’être déporté vers Treblinka avec les enfants juifs de son orphelinat.

“Un, deux, trois … soleil … (…) Tous les matins je me réveille avec le coeur qui fait de gros boums … je m’attends à à mourir, mais à force je n’ai plus trop la trouille. je pense surtout à papa et maman … je suis contente je vis encore … Tous les jours je ne meurs pas …”

Aubépine cette grande petite fille de cinq ans et demi, vit dans une famille que l’on qualifierait aujourd’hui de disfonctionnelle … “Je n’aime pas ma maison, elle est trop petite. Et elle est très moche … (…) Je crois qu’il va se passer une chose grave à chaque seconde” …

Aubépine doit écouter les souffrances de sa maman dépressive qui préfère dormir sur une chaise que d’aller se coucher avec son mari, qui lui avoue avoir été mariée de force avec un juif parce qu’il le fallait, que sa naissance est un accident et qu’elle est née d’un viol …

“Tu es comme maman, Aubépine, tu vas souffrir toute ta vie …”

Sa maman veut divorcer, elle ne veut plus faire l’amour avec cet homme qu’elle déteste, mais son mari a “des besoins” … des besoins et un travail dans un atelier de confection qui lui prend tout son temps … Aubépine comprend déjà que ses parents ne savent pas s’occuper d’elle … elle doit se débrouiller, c’est de plus en plus dur …

Et puis sa maman s’en va et tout va changer … La petite fille est seule et triste mais son papa n’a pas le temps de s’occuper de ses tristesses … il préfère commencer à caresser sa “zezette”.

“Papa est un vampire” … “Qui peut me protéger ?” …  “Je suis la petite fille de papa le jour et le soir je suis comme une poupée qu’il caresse comme il veut …”

L’inceste a commencé ainsi et durera presque 12 ans … Aubépine consultera pour la première fois à 19 ans Madame Weil sa psychanalyste, suite à des malaises cardiaques inexplicables, à priori.

Piégée, manipulée dans son coeur et dans son corps d’enfant, Aubépine supporte ces attouchements abjects, sans force, subissant, sans rien dire à personne, cet interdit universel.

… Et puis il y a cet “enlèvement” par sa mère qui durera deux ans, deux ans immergée dans l’ambiance mère, tantes, cousins, deux ans a entendre dénigrer son père qu’elle aime pourtant malgré tout … deux ans pendant lesquels elle va apprendre qu’elle est juive, et qu’il va falloir le cacher …

Et c’est au moment où un juge décide de son placement à la maison d’enfants de Draveil appartenant à l’OSE, que l’irréparable va être commis par ce père dominé comme un fou par son désir … la soumission a fini par s’installer le corps est violé pour toujours …   

“C’est colossal, monstrueux tous ces efforts et toute cette énergie que je déploie pour faire semblant de vivre …”

C’est à ce moment de ma lecture, que les mots, les phrases deviennent insupportables, l’indicible s’est produit, trop de solitude, trop de tristesse, trop de pénétration de l’âme et du corps.

Abandonnée par sa mère, oppressée par la sidération, livrée à son prédateur de père, Aubépine fait semblant à l’extérieur de vivre et d’accepter l’inceste à l’intérieur …”

“Je ne pourrai jamais tuer mon père”, dit-elle. “Mon drame, aimer cet homme ignoble.

Une première hospitalisation dans une unité psychiatrique va aider Aubépine a visualiser une issue possible à ses tourments … car comme lui explique le médecin qui prend soin d’elle “on peut, à partir de ce qui existe, découdre certaines parties et reconstruire de nouvelles choses qui nous conviennent mieux.”

Oui Caroline Elbaz, j’ai lu et entendu les mots de la petite fille en noir et blanc, et parce que votre écriture est belle, sobre et si déchirante et que vous le suggérez dans votre préface, il y a bien une proximité émotionnelle et une intimité avec la lectrice que je suis.

A lire impérativement et à conseiller.

A propos dominique iwan

Parallèlement à une vie professionnelle tournée vers le monde des matériaux polymères et un bref passage dans la sphère publicitaire en tant que maquettiste, ma vie a été guidée par deux passions, l'écriture (un livre que je suis sur le point de terminer ... je me mettrai ensuite en quête d'un éditeur ... des nouvelles pour enfants, et la sculpture avec la création d'un blog en 2014 " entre Ciel Ether ". Je collabore au site www.francenetinfos.com depuis près de 5 ans, particulièrement dans le domaine littéraire, avec déjà l'écriture d'une centaine de chroniques.

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