Les filles de joie : un premier tome signé Lise Antunes Simoes

Le roman « Le Magnolia » est le premier tome d’une trilogie appelée « Les filles de Joie ». Ce livre prend place au dix-neuvième siècle, qui est également une des périodes historiques préférées de l’auteure, Lise Antunes Simoes.

Cette amoureuse de l’Histoire et des grands classiques de la littérature comme « Orgueil et préjugés » de Jane Austen a su tisser une intrigue mêlant romance, érotisme et drame. Cet ouvrage a été tout d’abord publié au Canada, chez les « Éditeurs Réunis » en 2013. Au cours de douze chapitres, le lecteur suivra le parcours palpitant de l’héroïne, Victoire. Son crime ? Être tombée enceinte de l’associé de son père, un luthier à en devenir. Elle a dix-sept ans, il en a vingt. Cette « fille-mère » subira toutes les railleries de l’époque et sera même contrainte de se séparer de sa propre famille. Pour cela, elle sera amenée à quitter ses racines pour la grande ville dynamique et bruyante de Montréal…

Les filles de joie, un roman de Lise Antunes Simoes

Alors, Victoire fait ses débuts à la manufacture de Monsieur Goudreau, une fabrique de chapeaux et d’accessoires aux airs d’usine où elle gagne peu, trop peu. En contraste avec ses collègues moins éduqués, Victoire est entourée de personnages secondaires qui ont vécu plusieurs fois l’incident de tomber enceinte hors mariage. Elle n’a d’autre choix que de progresser dans cette besogne physiquement éprouvante, malgré son état. Éloignée des réalités, Victoire rêve d’une vie meilleure et de liberté… Cette ambition constante, cette obsession constitue le fil rouge du roman.

Mais dans le viseur du menaçant Monsieur Masson, ses dettes s’accumulent, l’héroïne peine à honorer ses engagements et devra bientôt prendre une décision cruciale, qui marquera le reste du livre.

Dans ce contexte très pesant, Victoire accouche seule et abandonne l’enfant, sans regret. Elle ment même à ses collègues, expliquant que le bébé est mort-né, car elle semble déconnectée de ce traumatisme, sans doute pour se protéger. Très peu après l’accouchement, la protagoniste rencontre la mystérieuse Madame Rainville, la « dame en noir » croisée dans une rue… Celle-ci lui soumet une offre d’emploi, dans le cas où elle souhaiterait quitter son travail à l’usine. Entourée de femmes qui perdent leurs enfants dans l’indifférence la plus totale, Victoire est licenciée. Puisqu’elle ne peut plus régler ses dépenses ou loyers, elle est mise à la porte une fois de plus. Alors, la jeune fille songe à cette demande et se présente à un rendez-vous, près de la cathédrale. Au cours de cet entretien, l’élégante femme réitère sa proposition. Ce poste suggère de tenir compagnie à des hommes… Affamée et affaiblie, Victoire accepte. La fameuse maison close Le Magnolia est géré d’une main de fer par Madame Angèle, dans un quartier très riche, qui contraste beaucoup avec la manufacture : ce milieu qu’elle a effleuré du bout des doigts et qui a détruit une part d’elle-même.

Le Magnolia

Belle et autoritaire, la tenancière Madame Angèle est introduite au lecteur et au personnage de Victoire les codes de la maison. Dans cet établissement, il n’est pas seulement question de satisfaire les besoins sexuels de la gent masculine, mais aussi de leur offrir un moment de divertissement et d’assurer une compagnie de qualité, éduquée et intéressante. Au cours de cet entretien parfaitement retranscrit, Madame Rainville et Madame Angèle inspectent l’héroïne dans la stricte intimité, jugeant son anatomie, sa morphologie, ainsi que son hygiène. Cela perturbe autant le lecteur que la débutante, qui ne mesure pas encore l’ampleur de la situation. Emportée dans la tourmente des évènements, celle-ci peine même à exprimer ses émotions.

À la suite de cette rencontre fructueuse, Madame Angèle accepte de payer la dette auprès de l’ancien employeur. Enfin, pour rembourser ce geste, la jeune fille de dix-huit ans devra travailler pour la tenancière… Très rapidement, l’héroïne est introduite à ses nouvelles partenaires, des collègues, dont la jolie Ninon. Celle-ci lui présente les différentes chambres à thème de l’établissement ainsi que les salons, l’organisation de l’entreprise. Pourvu d’un certain confort, l’endroit semble plaire à Victoire, à première vue. Cette dernière devra se reposer avec Toinette, dans un dortoir commun.

Une histoire prenante

Pendant les échanges avec les filles, Victoire apprend que le fils de Madame Angèle – Henri aime les femmes et abuse de la situation de sa mère. Au fil du texte, les prostituées sont présentées et caractérisées par leurs physique et identités propres et origines : « Fatima venait de loin — quelque part en Afrique du Nord — tandis qu’Olivia était une Métisse des îles françaises. » (…)

Victoire se lance dans le grand bain, accompagnée et guidée par ces femmes au tempérament fort et mature, toutes conscientes de l’essence de ce labeur. Dans cette aventure difficile et brute, le roman traite de sujets encore tabous au sujet de la féminité.

Le rapport à son corps, mais aussi la question du travail du sexe sont abordés et méritent d’être amplement exploités dans la littérature, même de nos jours. Cette lecture éprouvante et haletante assure une expérience réussie pour celles et ceux qui souhaitent assouvir leur dose de curiosité. La passion de l’écrivaine pour l’Histoire se ressent à chaque page. Puisqu’il s’agit du premier tome d’une trilogie, les fondements et origines sont introduits efficacement, grâce à des descriptions fines et toute une esthétique très élégante — qui transparait, en contraste avec la dure réalité de la prostitution…

Le site de l’auteure : https://lesfilles-dejoie.fr

A propos Patrick Delort

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