Fatou Diome : “l’écriture c’est ma rame, c’est ma plume, c’est mon javelot, c’est ma lance, c’est ma sagaie sérère”

Membre de l’Académie royale de Belgique, femme de lettes et professeure d’université, Fatou Diome, écrivaine franco-sénégalaise s’est fait connaitre avec “Le Ventre de l’Atlantique” , grand succès traduit en une vingtaine de langues. Son dernier ouvrage “Le Verbe libre ou le silence” est un essai engagé sur sa passion de l’écriture et sur le monde de l’édition : un vibrant plaidoyer pour la littérature et la liberté des écrivains .

Un livre écrit: “pour réclamer cette liberté qui est nécessaire aux écrivains. On parle de la liberté d’expression, maintenant, si vous avez créer votre livre et quelqu’un d’autre décide de le formater , à la fin ce n’est plus votre livre parce que cela ne ressemble plus à ce que vous vouliez faire. Et c’est cette révolte là qui m’a poussé à écrire ce livre pour dire : laissez moi écrire comme je l’entends.” explique t-elle.

Dans “Le verbe libre ou le silence” Fatou Diome se révolte et dénonce les méthodes d’une éditrice , représentant les maisons d’éditions . Ton péremptoire, injonctions, impératifs, infantilisation et intrusion, c’est à se demander si le paradis éditorial existe .
“Non, le paradis éditorial n’existe pas. De toute façon en matière d’art, il n’y a pas de paradis parce que tous les artistes quelque soit leur domaine doivent se battre pour faire valoir leurs idées . Et le problème c’est que c’est une industrie , un milieu commercial, donc il faut se vendre. A force de vouloir vendre, peut-être que l’on peut être amené à avaler des couleuvres, ce que je n’ai jamais accepté de faire . Si vous n’êtes pas assez docile, alors que votre vie dépend des contrats que d’autres doivent signer , c’est un vrai combat. Et ce livre là, c’est ça .”

Des baobabs, des girafes et des couchers de soleil, Fatou Diome est incitée à parler de l’Afrique, d’exotisme , de contes ou de condition féminine.
Essentialisation et assignations identitaires auxquelles elle résiste: “C’est moi qui décide quand je parle de mes origines , c’est moi qui décide quand je parle de l’Afrique , c’est moi qui décide quel thème je vais aborder. Ce n’est pas aux autres d’exiger de moi que je parle de l’Afrique . Je peux parler d’une histoire d’amour qui se passe à Bombay ou à New-York. Un auteur est libre, je peux raconter tout ce que je veux . Regardez, j’ai fait parler des objets dans “Kétala”, personne ne me l’avait demandé , personne ne l’attendait donc je pense que c’est aussi une expérimentation la création .”

L’autrice de renom s’indigne contre les bâtisseurs de cloisons, dévoile tout haut ce qui peut être considéré comme tabou chez les écrivains. “Peut être parce que je suis inconsciente.” répond-t-elle. “La liberté c’est une forme aussi d’inconscience et il y a une foi, il y a quelque chose comme les enfants . Je crois aux rêves, je me bats pour . La liberté si on ne la réclame pas, personne ne vous la donne sur un plateau , il faut l’exiger et lutter pour .”

“Le verbe libre ou le silence” est un véritable manifeste dont l’accueil s’est révélé être prometteur: “Pour le moment d’après ce que j’ai vu , les critiques ont été bonnes, les gens l’ont accueilli. Donc apparemment même quand on râle et que l’on se révolte , je pense que les gens cherchent d’abord une qualité de réflexion et une qualité d’écriture. Je prends cela comme un encouragement que l’on me fait .”

“L’écriture, ce n’est pas un métier que l’on choisit, non, c’est un impératif qui s’empare de vous”. Telle une relation entre amants, Fatou Diome décrit l’écriture comme une libération jubilatoire, une transe paillarde, une exaltation, une complicité , une euphorie, une consolation. Et aujourd’hui, après sa mésaventure éditoriale , son rapport à l’écriture n’a pas été entaché , “J’écris tout le temps avec le même plaisir ” .
Celle qui prend la plume depuis l’âge de 13 ans, écrit toujours la nuit et fait continuellement danser sa rame: “C’est ma rame, c’est ma plume, c’est mon javelot, c’est ma lance, c’est ma sagaie sérère! C’est le seul outil que j’ai . Dans ce monde où on réclame la paix, ce serait bien que la plume soit seulement la seule chose agressive . Finalement la plume parle seulement au cerveau et à la tête , on discute, on dialogue et puis on peut se comprendre. Je pense que c’est pacifiste comme arme.”

Ecoutez l’interview avec Fatou Diome 

 

Fatou Diome, marraine de Strasbourg, capitale mondiale du livre

© Astrid-di-crollalanza

 

Strasbourg est la première ville française désignée Capitale mondiale du livre par l’UNESCO. À ce titre, de nombreux parrains et marraines soutiennent le projet “Lire notre mode”. Fatou Diome est l’une de ces grandes  figures , découvrez son portrait !

Fatou Diome,  s’est imposée comme une figure majeure de la littérature de langue française, arborant souvent la couleur mauve, qu’elle décrit comme une “couleur tempérée, mélange de la rouge chaleur africaine et du froid bleu européen”.

Après avoir publié « La préférence nationale » (2001), un recueil de nouvelles (Présence Africaine), elle se fera connaître avec son premier roman, « Le Ventre de l’Atlantique » (Anne Carrière, 2003), un grand succès traduit en une vingtaine de langues. Ont suivi plusieurs romans publiés chez Flammarion, notamment « Kétala » (2006), « Inassouvies, nos vies » (2008), et un essai politique, « Marianne porte plainte ! » (2017, collection ‘Café Voltaire’), puis chez Albin Michel « Les Veilleurs de Sangomar » (2019) et « De quoi aimer vivre » (2021), un recueil de nouvelles, par exemple.

Certaines de ses œuvres, imprégnées d’autobiographie, déconstruisent le mythe de l’eldorado européen entretenu par certains immigrés. Elle plaide pour les valeurs républicaines et revendique la liberté pour les écrivains, notamment dans son essai littéraire « Le Verbe libre ou le silence » (2023). Elle dénonce les injustices faites aux femmes, aux enfants, aux plus vulnérables. Considérant l’école comme une « lumière » pour tous, elle déclare : « seul l’éducation libère l’individu de ses propres limites pour lui offrir le monde »

« Quand je me promène à Strasbourg, l’un de mes itinéraires favoris reste la place Gutenberg, où tout amoureux des Lettres mesure ce que le livre doit à notre ville. C’est un honneur, pour moi, d’être parmi les marraines de « Strasbourg capitale mondiale du livre 2024 » ; mais, c’est plutôt Strasbourg qui nous marraine, son histoire littéraire nous garde en ligne de mire de grandes plumes qui ont porté les Belles Lettres au firmament. »

A propos Nuncia Dumorné

Actu Région Grand-Est / Actualités artistiques, culturelles, touristiques

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