Le Ciel de Nantes de Christophe Honoré au théâtre Anthéa

« Le Ciel de Nantes » était peut-être l’une des pièces les plus attendues de la saison du théâtre Anthéa d’Antibes. C’est peut-être parce qu’elle tient une place à part dans la carrière du cinéaste et dramaturge Christophe Honoré. Depuis longtemps, il portait en lui le projet d’un film autobiographique sans jamais pouvoir véritablement franchir le pas. Avec « Le Ciel de Nantes », il réalise en quelque sorte son film, mais sur un plateau de théâtre, et fait revivre sa famille.

Lorsque la pièce commence, Christophe Honoré (interprété par Youssouf Abi-Ayad) a convié plusieurs membres de sa famille maternelle à assister à un film sur eux qui ne sera pas projeté. Ils sont six : sa grand-mère, son grand-père, ses deux oncles, sa tante, sa mère, la seule encore vivante (elle est interprétée par Julien, le frère de Christophe Honoré). Ils ont pris place dans des fauteuils d’une salle de cinéma désaffectée mais ne resteront pas longtemps sagement assis. Ils se lèvent pour prendre le micro et chacun raconte alors son histoire, plutôt sa version de cette histoire familiale, qui n’est peut-être pas la même que celle de Christophe Honoré. Ils s’interpellent, se disputent, se rappellent des souvenirs malheureux, s’empoignent ou se consolent et dansent, sous les yeux de Christophe Honoré, qui tantôt se comporte comme un spectateur et se met à l’écart et tantôt communique avec ses oncles, sa grand-mère, sa mère ou sa tante Claudie. Parmi tous les frères et sœurs de sa mère, elle était sa préférée, sans doute la plus fragile et la plus douce de la fratrie. Elle est interprétée par Chiara Mastroianni ; lumineuse dans les films de Christophe Honoré, elle fait ici ses premiers pas au théâtre.

En mettant en scène son passé familial sur trois générations, Christophe Honoré se plonge dans l’Histoire : la deuxième guerre Mondiale, les luttes sociales, la guerre d’Algérie, l’immigration…Chez Proust, c’est la madeleine qui fait surgir les souvenirs, chez Christophe Honoré dans « Le Ciel de Nantes », ce sont des chansons – « Nantes » de Barbara qui ouvre la pièce ou celles de Sheila sur lesquelles danse toute la famille -, des films – ceux de Jacques Demy- , des émissions de télé, des matches de l’équipe de foot de Nantes… Certes, la famille de Christophe Honoré est unique mais ne dit-on pas que l’intime atteint l’universel ? Chaque spectateur peut reconnaître un peu de soi ou un peu des siens. Comme dans toutes les familles, même si le passé est parfois lourd à porter et que les disputes et les rancoeurs sont tenaces, on continue à s’aimer, chacun à sa façon.

Il y a du romanesque dans « Le Ciel de Nantes » où cohabitent le cinéma et le théâtre, le présent et différentes strates du passé. Christophe Honoré n’a pas voulu que les membres de sa famille soient figés pour l’éternité dans un film de cinéma. Au théâtre, loin de les trahir, il les réinvente, les rend humains et réels. D’ailleurs, eux-mêmes se montrent surpris en voyant sur grand écran des scènes interprétées par des comédiennes et comédiens connus (Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Marina Foïs…) choisis pour les représenter. Une mise en abyme touchante et drôle, à l’image de cette magnifique pièce, qui nous entraîne dans un tourbillon d’émotions.

A propos Laurence

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