Rencontre avec Aurélie Saada aux Nuits Dime On du Cap Estel

Pendant treize ans, Aurélie Saada a formé le duo Brigitte avec Sylvie Hoarau. Elle vole désormais de ses propres ailes et elle ne manque pas d’idées. Après avoir réalisé son premier long métrage, le très beau et très réussi “Rose”, sur une femme de 78 ans, qui, après avoir perdu son mari, décide de reprendre sa vie en main et de profiter du temps qui lui reste, Aurélie Saada a sorti à l’automne son premier album solo “Bomboloni”, qui fleure bon le soleil et le sucre puisque ce mot désigne un beignet en Tunisie. Elle vient d’écrire un livre de cuisine – sa passion – qui sortira en octobre. Cet été, elle enchaîne les concerts, entourée de ses musiciens pour lesquels elle n’hésite pas à cuisiner de bons petits plats. Sur scène, elle interprète les titres de son album “Bomboloni”, qu’elle a écrits et dans lesquels elle se livre, parle de son enfance mais aussi de féminité, en utilisant le vocabulaire de la nourriture. Décidément…

Nous avons rencontré Aurélie Saada au Cap Estel fin juin. C’est dans ce magnifique cadre qu’elle a donné un concert dans le cadre des Nuits Dime On du Cap Estel. Entre deux répétitions interrompues par la pluie, elle a gentiment accepté de répondre à nos questions. Nous avons parlé de “Bomboloni”, de ses envies et, bien sûr, de cuisine.

Aurelie Saada

France Net Infos : Votre premier album solo “Bomboloni” est sorti à l’automne mais il a un côté solaire, très estival…

Aurélie Saada : Oui, mais j’ai l’impression qu’on cherche le soleil tout le temps. C’est le soleil des souvenirs, avec des moments joyeux. C’est celui qu’on convoque quand on pense à l’enfance. Il peut arriver l’hiver comme l’été finalement.

France Net Infos : Il a aussi un côté très sensuel. Vous faites la part belle à tous les sens et surtout au goût…

Aurélie Saada : Dans mon histoire et dans ma culture, on est assez pudique malgré les apparences. Du coup, les choses se racontent dans les parfums, dans les goûts. J’aime manger et cuisiner. C’est pour moi une façon de dire aux gens que j’aime que je les aime. Assez naturellement, j’ai voulu glisser dans mes chansons le vocabulaire du goût, de la nourriture parce qu’il évoque la vie et toutes ses couleurs avec les moments joyeux, les souvenirs. Et puis, dans le fait de manger, il y a de la violence, de l’érotisme, plein de choses. Je trouve qu’il y a plein d’aspects du vivant dans le lexique de la cuisine. Je l’ai utilisé inconsciemment parce que c’est le vocabulaire que j’emploie mais je me suis rendu compte qu’il a beaucoup de sens pour moi.

France Net Infos : Dans votre film “Rose”, la nourriture avait également une place importante. Il y a beaucoup de scènes de repas…

Aurélie Saada : C’est vrai qu’il n’y a quasiment que des scènes de repas dans le film ! C’est en mangeant qu’on se dit qu’on s’aime ou qu’on se déteste ! Dans la Méditerranée, beaucoup de choses passent autour de la table. La cuisine, c’est le squelette de la maison.

France Net Infos : Pendant la fabrication de l’album, il paraît que vous avez beaucoup cuisiné pour vos musiciens…

Aurélie Saada : Je voulais qu’ils sentent cette chaleur-là, qu’ils comprennent là où je voulais aller dans cet album. Je ne l’ai pas emprunté à quelqu’un d’autre cet esprit-là. C’est vraiment quelque chose d’important pour moi. C’est pour cette raison que j’ai cuisiné pour eux pendant toutes les répétitions. J’ai fait des plats mijotés, à partager. Il y avait de nouveaux musiciens et j’avais envie qu’ils comprennent qui j’étais et où j’allais.

France Net Infos : Musicalement, de quoi aviez-vous envie pour cet album ?

Aurélie Saada : C’est un album que j’ai travaillé comme on faisait les disques dans les années 60. A cette époque-là, les musiciens répétaient beaucoup ensemble et quand ils arrivaient en studio, tout le monde enregistrait en même temps. Il y avait une atmosphère très particulière. Ce n’est pas comme du live en concert parce que chaque musicien a un micro précis sur chaque instrument mais tout le monde enregistre ensemble. On se soutient les uns les autres. Il faut donc assurer, sinon on fait tout s’écrouler. Et puis, ce que j’aime dans cette façon d’enregistrer, c’est qu’on laisse la place à la magie. On vit dans un monde de plus en plus aseptisé où l’on veut des choses parfaites. C’est intéressant de laisser la place à l’accident, à la spontanéité. J’aime bien les choses qui grattent un peu. Je m’attache plus à ça qu’aux choses très lisses.

France Net Infos : On retrouve cet esprit-là aussi dans “Rose”. Ce que vous racontez dans “Bomboloni” aurait pu également pendre la forme d’un film. Pourquoi avoir voulu en faire un album ?

Aurélie Sadda : C’est vrai que ça aurait pu être un film ! J’aime bien changer de support régulièrement pour raconter des choses intimes, des souvenirs. C’est toujours ma matière principale. Je viens de travailler sur un livre de cuisine qui sortira en octobre chez Hachette. Il s’appelle “Cuisinez le soleil”. C’est vraiment lié à mes souvenirs. Quand on me demande comment je choisis mes recettes, je réponds toujours que j’essaie toujours de retrouver quelque chose qui m’a plu ou qui m’a marquée. Ce sont donc des recettes liées à des souvenirs. Je suis allée voir récemment l’expo consacrée à Munch au Musée d’Orsay. Il disait qu’il peignait l’émotion que lui a a laissé un moment et non pas ce moment-là. L’émotion, c’est ce qu’on a avec nous véritablement. Il y a quelque chose de très personnel et d’intact alors que le souvenir, on le transforme.

France Net Infos : Cet album est écrit dans cette veine-là. Il est très intime. Vous parlez de vous, de votre enfance… Cela s’est imposé naturellement ?

Aurélie Saada : Peut-être que la fiction pure est difficile pour moi. J’ai besoin de raconter des choses intimes et personnelles. Peut-être qu’un jour j’arriverai à écrire de la fiction mais j’aime bien creuser dans les choses que j’ai vécues et essayer de trouver la poésie dans l’ordinaire, dans ma vie. J’ai envie de faire quelque chose de mes déboires, de mes peines, de mes joies. C’est assez psychanalytique comme façon de faire ! J’ai fait une psychanalyse pendant de longues années, qui m’a permis de faire ce travail sur les mots, et d’apprendre à faire quelque chose de notre histoire plutôt que de souffrir avec.

France Net Infos : On dit que l’intime atteint l’universel. Vous a-t-on dit que vos mots, vos chansons faisaient écho à d’autres histoires ?

Aurélie Saada : Très souvent ! On m’a souvent dit : “ce que vous écrivez, c’est mon histoire”. Je pense que quand on fait référence à son histoire, on fait forcément écho aux autres.

France Net Infos : Dans votre album, il est beaucoup question de femmes…

Aurélie Saada : Je ne peux pas y échapper. Je suis une femme ! J’ai plus de facilités à parler d’elles. Je parle de ma mère, de ma soeur, de mes filles, de ce qui nous lie, de l’histoire qu’on répète. J’avais écrit une chanson sur mon père dans le dernier album de Brigitte mais je n’avais pas encore écrit sur ma mère. En fait, j’ai écrit “La Merveille”, sans me dire que j’écrivais sur ma mère et, à la fin, je me suis rendue compte que je ne faisais que parler d’elle et de son parfum “Opium”. Quand ma mère m’a offert ce collier que j’ai toujours à mon cou, j’ai été très, très émue parce que je l’ai tellement vu de près quand elle le portait, elle. Bébé, enfant, on voit le cou et on sent le parfum. Ce collier et ce parfum “opium” sont donc associés à ma mère. La vie se loge dans les détails. C’est ce qui est le plus important.

France Net Infos : Quand on écoute cet album, il y a quelque chose qui est de l’ordre de la poésie, avec un travail sur les mots. Est-ce facile pour vous d’écrire ?

Aurélie Saada : Ce n’est pas si facile d’écrire des paroles ! Parfois, je me dis que j’aimerais bien dire n’importe quoi et être poétique et mystérieuse. Certains y arrivent si bien ! J’en suis incapable donc ça me demande toujours de creuser dans des choses très intimes et très vraies. Ce n’est pas évident d’écrire et de se renouveler. Peut-être qu’un jour j’écrirai une chanson sur le fait que je n’y arrive pas justement !

France Net Infos : La littérature semble occuper une place importante dans votre vie. Quels sont les auteurs que vous appréciez ? Vos derniers coups de coeur ?

Aurélie Saada : La littérature est très importante dans ma vie ! J’adore Romain Gary, Philip Roth, James Ellroy. Parmi les artistes contemporaines, j’aime beaucoup Sophie Calle. Elle écrit et fait un travail personnel sur elle passionnant. Là, je viens de lire un livre qui m’a beaucoup plu. C’est “Double V” de Laura Ulonati sur Virginia Woolf et sa soeur Vanessa. C’est absolument magnifique.

La tournée d’Aurélie Saada continue dans toute la France.

Sortie en octobre de “Cuisinez le soleil” aux éditions Hachette pratique. 

 

 

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