Festival Trajectoires : “Quand je serai grande je serai Patrick Swayze” de Chloé Oliveres les 9 et 10 février

“Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze”, voilà un titre qui donne très envie d’aller au théâtre ! C’est à Chloé Oliveres que l’on doit cette phrase pour le moins originale. A presque quarante ans, la comédienne, que l’on a pu voir au cinéma, à la télévision et au théâtre (notamment dans les créations de la compagnie Les Filles de Simone), s’est lancée dans un seule-en- scène où elle partage avec le public son parcours, jalonné d’illusions, de déceptions et de victoires, le tout avec autodérision. Après avoir triomphé au Festival d’Avignon et à la Scala de Paris, elle sera dans les Alpes-Maritimes, pour deux représentations dans le cadre du festival Trajectoires : le 9 février à la salle Juliette Gréco de Carros et le 10 février au Théâtre de Grasse. A l’occasion d’un entretien par téléphone, elle nous a parlé de “Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze”, un seule-en-scène dans lequel de nombreuses femmes (et sûrement aussi de nombreux hommes) se reconnaîtront.

France Net infos : Quand vous est venue l’idée de ce titre ?

Chloé Oliveres : Au départ, ce titre était provisoire et puis on m’a suggéré de le garder. Je peux même dire que c’est presque ce titre qui m’a fait trouver la fin du spectacle !

France Net Infos : Qu’est-ce qui a déclenché cette envie de monter sur scène, seule ?

Chloé Oliveres : Pendant le confinement, j’étais à l’arrêt comme tous les comédiens, et pour tromper mon ennui et conjurer le sort, je postais sur youtube des vidéos de comédienne confinée où je jouais Phèdre ou Andromaque dans ma cuisine, dans ma salon. Mon fils et mon compagnon qui passaient à ce moment-là me traitaient de folle ! Il y avait donc des interactions improvisées que je filmais. Ces vidéos ont marché et ont même donné lieu à un article sur Télérama ! Des producteurs de Little Bros m’ont alors contactée et m’ont dit que si un jour j’avais envie de faire un seule-en-scène, ils seraient intéressés ! Un an après, je les ai donc appelés. Il y avait comme un gouffre existentiel qui s’ouvrait devant moi, qui était lié à la crise de la quarantaine naissante et au sentiment accru par le Covid que l’avenir était bouché. J’avais l’impression que plus rien n’allait m’arriver. En me penchant sur la question, je me suis rendue compte que ce sentiment était lié au fait que dans les récits dont les filles sont abreuvées depuis l’enfance, il y a beaucoup de conte de fées et d’histoires de princesses. Ces histoires s’arrêtent toujours au moment où ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants. Il n’y a aucune fiction qui raconte la vie d’après.

France Net Infos : Dans ces contes de fées justement et même dans la littérature en général ou au cinéma, on voit très rarement des femmes de plus de quarante ans. Les héroïnes sont plus jeunes…

Chloé Oliveres : Exactement ! Il y a très peu de femmes de plus de quarante ou cinquante ans qu’on voit en train de vivre des aventures. C’est donc difficile de se projeter dans l’avenir une fois qu’on a le métier qu’on rêvait d’avoir, un pavillon de banlieue, un compagnon avec qui on a fait un enfant. On a l’impression qu’on n’a plus rien à vivre une fois qu’on a tout ça ! Tout cela m’intéressait et j’ai eu envie d’écrire là-dessus et surtout de voir comment est venu ce sentiment d’être à la fin du conte. Dans mon spectacle, je reparcours les jalons de ma vie amoureuse, tout ce qui m’a imprégnée, les fictions, les contes de fées, y compris “Dirty Dancing”. C’est comme si je détricotais tout cela pour arriver à comprendre comment j’en étais arrivée à cette crise de la quarantaine. Je voulais aussi trouver un sens à tout ça et me dire que d’autres aventures étaient possibles. Mais, il fallait les écrire parce qu’il y a effectivement un gros manque de fictions. Il faut que les femmes puissent se projeter dans autre chose que le rêve de rencontrer le prince charmant. Pour les femmes, il y a des injonctions très ancrées dont il est difficile de sortir.

France Net Infos : Par rapport à ce que vous disiez, où se situe “Dirty Dancing” pour vous ?

Chloé Oliveres : Pour moi, c’est le film qui a incarné le plus l’histoire d’amour rêvée et celui aussi qui m’a à donné envie d’être comédienne. Quand je l’ai vu, j’étais petite et je m’étais dit que, plus grande, je serais comédienne pour vivre des histoires d’amour avec Patrick Swayze. Pour moi, les acteurs vivaient vraiment ce que je voyais dans les films. Donc, je pensais que pour vivre une histoire d’amour avec lui, il fallait que je devienne comédienne. Ce film a été le début de ma vocation d’une certaine matière. Il cristallise à la fois ce moment-là et ma vision de l’amour. Je m’en sers dans mon spectacle pour raconter cette espèce de récit initiatique amoureux.

France Net Infos : Quand vous avez revu “Dirty Dancing” une fois adulte, votre vision du film a-t-elle été la même ?

Chloé Oliveres : En le voyant plus tard, je me suis rendue compte que ce n’était pas seulement un film de midinettes mais aussi un film féministe. Dans mon spectacle, je raconte aussi ce basculement qui correspond à ma vision différente de la vie amenée par mes lectures féministes et mes prises de conscience.

France Net Infos : Quelles sont vos références littéraires et cinématographiques ?

Chloé Oliveres : Les livres de Simone de Beauvoir bien sûr. Au cinéma, “Dirty Dancing” est tout le temps présent comme un fil conducteur. Dans mon spectacle, on suit mes références au fur et à mesure que je grandis : Walt Disney d’abord avec “Cendrillon” et “Blanche Neige” puis ,ado, les comédies romantiques avec “Pretty Woman” par exemple. Le passage d’une oeuvre à la réalité est très poreux dans mon spectacle : je glisse d’une chose à l’autre, je raconte comment je suis entrée au Conservatoire et je passe par exemple à “La Mouette” de Tchekhov sans qu’on s’en rendre compte. Je veux montrer comment on est façonné par toutes les fictions qui nous entourent et qui nous ont construites.

France Net infos : Vous citez Simone de Beauvoir. Annie Ernaux est également une écrivaine très importante pour les femmes…

Chloé Oliveres : Bien sûr ! D’une certaine façon, elle m’a guidée dans ce que je devais choisir parmi les choses que je devais raconter. Il fallait que je sélectionne ce qui, dans ma vie, pouvait être partagé et être symptomatique d’une expérience féminine. Il y a donc les premières relations amoureuses, les relations toxiques, la découverte de la sexualité, les moments de honte…

France Net Infos : Sur scène, tout est très écrit ou vous vous laissez aller parfois à l’improvisation ?

Chloé Oliveres : J’improvise parce que je joue beaucoup avec le public. J’ai travaillé avec le metteur en scène Papy qui a découvert notamment Blanche Gardin. Il m’a beaucoup poussée à investir la partie stand-up du spectacle. J’essaye tout le temps d’instaurer une complicité avec le public. Je ne me sens donc pas du tout seule quand je suis sur scène. Je joue avec les partenaires qui sont devant moi. Les représentations sont donc souvent différentes les unes des autres.

France Net Infos : Dans votre spectacle, on rit souvent mais on est aussi ému…

Chloé Oliveres : Oui, on passe de choses difficiles et émouvantes à des choses drôles. Mon spectacle, c’est un peu les montagnes russes guidées par beaucoup d’autodérision puisque je raconte ma vie et ce qui n’est pas forcément reluisant dans toutes les expériences que j’ai traversées. Je me moque de la petite fille et de l’adolescente que j’étais. La scène qui fait le plus rire, c’est celle où j’ai une attaque de panique au rayon clous de Mr. Bricolage. J’ai l’impression d’être une femme libre et autonome mais je ne sais pas quel clou acheter. Toutes les femmes peuvent se reconnaître !

France Net Infos : Votre spectacle a donné lieu à une Bd…

Chloé Oliveres : Les éditions Des Equateurs m’ont proposé d’éditer mon texte et je leur ai proposé d’en faire une bande dessinée parce que c’est un univers dont je suis imprégnée. Je leur ai dit que j’aimerais travailler avec Pauline Perrolet, qui est une illustratrice très drôle, que je suivais sur Instagram. Sans me connaître, elle a accepté. Elle a adapté mon texte en bandes dessinées mais sans toucher à une virgule. Par contre, elle l’a totalement interprété : elle a inventé les décors, elle a traduit les situations que je joue sur scène. C’est comme une autre mise en scène ! Je ne suis presque pas intervenue. Elle est très forte.

France Net Infos : Quels sont vos projets après ce seule en scène ?

Chloé Oliveres : J’ai très envie d’écrire une série sur la crise de la quarantaine. J’ai de la matière ! Je n’ai qu’à aller puiser chez mes copines et même chez moi. J’ai plein de personnages en tête !  Je ne suis pas scénariste et il faudra évidemment que je m’entoure de personnes compétentes. Ce n’est pour l’instant qu’un projet !

“Quand je serai grande, je serai Patrick Swayze” de Chloé Oliveres le vendredi 9 février à 20h au Forum Jacques Prévert de Carros, Salle Juliette Greco.  A noter que jeudi 8 février, au FJP  aura lieu un atelier danse Dirty Dancing avec Julie Zugreif, gratuit pour les adhérents, 5 euros pour les non-adhérents.

samedi 10 février à 20h au Théâtre de Grasse

A propos Laurence

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