La France aurait accueilli en 2013 près de 85 millions de touristes. Encore une fois, la France est présentée comme la 1ère destination touristique mondiale devant les Etats Unis ou l’Espagne. Mais qu’en est-il vraiment ?
Une destination qui a toujours attiré
Ce n’est même pas du chauvinisme d’affirmer que la France fait partie des destinations les plus appréciées depuis longtemps. Au début du XXème siècle, la France accueillait déjà de nombreux visiteurs du monde entier.
En 1931, l’exposition coloniale internationale organisée par le maréchal Lyautey, résident général du Maroc, est un succès. On exhibe la splendeur et la diversité de l’empire Français pour faire un « tour du monde en un jour à 20 minutes de l’Opéra » comme l’annonçait les réclames de l’époque. Ce fût un succès : 8 millions de visiteurs se sont pressés pour admirer le pavillon de Martinique, de Madagascar ou des Forces d’Outremer.
Mais la mystique coloniale n’était pas le seul atout de la France. Lieu de villégiature des princes et princesses comme des intellectuels de l’époque, la France émeut. L’impératrice Eugénie, «la reine des plages et la plage des rois», décide de faire de Biarritz , alors un village de pêcheurs de baleines, sa villégiature. L’Europe se précipite à sa suite. Il faut dire qu’à l’époque, la France est considérée comme l’un des meilleurs modèles politique, économique et social. En avance sur son temps, la France attire et fascine.
Encore aujourd’hui la France attire
De ce passé glorieux, la France en récolte évidemment les fruits. Considéré comme le pays du luxe, de la mode et de la gastronomie, l’Hexagone a su conserver son attractivité malgré une banalisation progressive de sa puissance et de son influence au sein du monde et de l’Europe. La France est, aujourd’hui encore, classée première destination touristique du monde. Cela s’appuie sur des faits : Paris, la tour Eiffel ou le musée du Louvres sont des symboles propulsés par les nombreuses œuvres littéraires et cinématographiques qui les peignent. Mais comme tout symbole il y a évidemment une base vraie. Mais qu’en est-il exactement ?
Avec son vaste réseau ferroviaire hérité de Napoléon III et un réseau bien tenu et couvert, la France est un carrefour : trains, bus, avions. Il suffit d’une heure en avion depuis Dunkerque (extrême nord, Nord-Pas-de-Calais) pour rejoindre Perpignan (extrême sud, Languedoc-Rousillon). Pour Naren Shaam, PDG de GoEuro, « la France est la première plateforme multimodale de transport du continent, non seulement pour son emplacement stratégique mais surtout pour le nombre de touristes qui la visitent. » (sic). L’Hexagone est non seulement une destination touristique mais aussi un lieu de passage pour les touristes européens qui veulent se rendre au Royaume Uni ou en Espagne.
Mais pour combien de temps ?
En vérité, malgré les différentes analyses qui sont faites nous ne savons pas si la France est la première destination touristique du monde. Les chiffres le montrent, me direz vous ? C’est là que le bât blesse. En vérité il n’existe plus de réel centre de statistique qui vérifie ces données. Au fur et à mesure des mandats qui se sont succédés, les outils statistiques ont été délaissés jusqu’à être quasiment abandonnés après la crise des subprimes de 2008. Cela ne veut pas dire qu’il n’y en a pas. Mais les études sont souvent faites sans nomenclature ou observation scientifique. Comprenez qu’il arrive souvent qu’une enquête se fasse par téléphone où les restaurateurs et hôteliers doivent répondre fin Juillet – alors que la saison n’est pas terminée – s’ils estiment que l’année est meilleure ou moins bonne qu’auparavant. Les études sont parfois très approximatives et cela finit par se répercuter sur la façon d’établir les statistiques.
Soit, si cela dit que nous sommes le premier pays touristique, hasta la vista. Oui et non. Les échos citent un chiffre de l’OMT : « Selon l’OMT, la fréquentation étrangère a crû de 6 % en 2013. Un chiffre qui dépasse la croissance moyenne du tourisme international en 2013 ». Etre premier permet de rester plus facilement premier. À l’inverse d’autres pays comme l’Australie, la France n’a pas besoin de faire de publicité pour attirer des visiteurs. Au contraire, la France s’exporte. Le célèbre musée du Louvre a ouvert un deuxième musée du même nom à Abu Dhabi et accueille déjà des œuvres majeures telles que le « Portait d’une Dame » de Picasso (1928).
Le problème est pernicieux : sans chiffres précis et en pensant être première sans avoir à investir, la France ne peut pas avoir de politique de tourisme. À l’instar du tourisme, d’autres secteurs gagneraient à être stimulés par une stratégie d’état : transports (Alstom), Luxe, industrie. Il faut bien sûr séparer le bon grain de l’ivraie. Nous ne sommes plus à l’époque de l’Etat Providence et une politique keynésianiste dans un environnement très libéral n’est guère tenable. Il n’empêche que tous les états ne s’aliènent pas à autant de règles, pour le mieux comme pour le pire.