“Un jour fille” de Jean-Claude Monod au cinéma le 8 mai : interview de l’actrice Marie Toscan

Un jour fille sortira au cinéma le 8 mai. Pour son premier long-métrage en tant que réalisateur, Jean-Claude Monod s’est emparé d’une histoire vraie mais méconnue du XVIIIe siècle. Anne Grandjean, née intersexe, a grandi considérée comme une fille par ses parents. Mais, un jour, le prêtre de la paroisse lui demande de revêtir des habits d’hommes car elle lui a confessé qu’elle était attirée par les femmes. Devenue homme, elle devient alors Jean-Baptiste et se marie avec Mathilde  mais son passé la rattrape : elle est dénoncée, arrêtée, puis jugée…

C’est la jeune actrice Marie Toscan qui interprète Anne puis Jean-Baptiste, ce même personnage à qui on demande de changer d’identité et de sexe. C’est son regard bleu perçant que l’on voit sur l’affiche du film, celui de quelqu’un de doux et de déterminé à la fois, comme peut l’être son personnage, emporté dans un tourbillon, malgré lui.

Avant Un jour fille, Marie Toscan a été assistante réalisateur pendant plusieurs années ; elle a aussi pris des cours de théâtre et a joué dans des courts-métrages. Depuis qu’elle est enfant, elle baigne dans le milieu du cinéma. Issue d’une famille d’artistes, elle avait l’habitude d’accompagner sa mère (Nathalie Roussel) et sa grand-mère (Marie-Christine Barrault) sur les  tournages ou en tournée. Pour son premier rôle au cinéma, elle fait preuve d’une grande justesse. Tour à tour étonnée, obéissante, amoureuse, en colère, triste, déterminée, elle fait passer son personnage par une large palette d’émotions.

Quelques jours avant la sortie du film, Marie Toscan nous a longuement parlé d’ Anne et Jean-Baptiste, de sa manière d’aborder et d’interpréter ce seul et même personnage, d’abord femme, puis homme, et de nouveau femme. Echange passionnant avec une comédienne passionnée.

France Net Infos : Pourquoi avez-vous eu envie d’interpréter un tel personnage ?

Marie Toscan : Un jour, j’ai reçu un mail de la part du réalisateur Jean-Claude Monod qui avait entendu parler de moi par l’une de mes profs de théâtre. A l’époque, je travaillais dans un cinéma et je me rappelle que j’étais prête à partir en courant parce que j’étais ravie que quelqu’un pense à moi pour donner vie à cette histoire incroyable. Quand j’ai lu le chemin de vie de ce personnage, ça m’a beaucoup intriguée. Au début, ça m’a fait un peu peur parce que je me demandais si j’allais réussir à jouer les deux aspects de ce rôle et à être convaincante.

France Net Infos : Justement, dans quel aspect de ce personnage vous êtes-vous sentie le plus à l’aise ?

Marie Toscan : Il s’avère que c’est celui de Jean-Baptiste ! Le premier costume que j’ai essayé était le sien, ce qui m’a tout de suite mise dans le personnage. On avait fait des lectures avant mais le fait de revêtir les costumes avait rendu le personnage très réel. Pendant toute la première semaine de tournage, j’étais en Jean-Baptiste et au bout d’une semaine, on m’a habillée en Anne avec une robe et des cheveux longs.  A ce moment-là, j’ai eu l’impression qu’on me travestissait parce que j’avais pris l’habitude d’être habillé en homme !

France Net Infos : Mis à part les costumes, comment vous êtes-vous préparée à interpréter Anne/Jean-Baptiste ?

Marie Toscan : J’ai beaucoup parlé avec Jean-Claude Monod de sa vision du personnage. La boîte de production a jugé bon de me faire travailler avec une coach. Ensemble, on a établi “le passeport” du personnage pour essayer d’établir ses goûts, ses réactions… On a passé en revue toutes les scènes du film en y mettant des émotions différentes. Donc, quand je suis arrivée sur le tournage, j’avais déjà un petit bagage d’émotions à mettre ici ou là. Après, on a réajusté avec Jean-Claude. J’avoue que ça m’a beaucoup rassurée de travailler avec une coach avant. Je pense que je ne serais pas arrivée très sereine sur le tournage si je n’avais pas eu au préalable ce travail avec Jean-Claude et avec ma coach.

France Net Infos : Avez-vous lu des livres pour préparer le rôle ?

Marie Toscan : J’ai lu un livre sur Herculine Barbin, un personnage intersexué dont la vie a été relatée par Michel Foucault. J’ai essayé de prendre contact avec des associations de personnes intersexes mais je n’ai pas eu de retour. J’ai cherché des informations sur le sujet sur internet. Mais surtout, Jean-Claude Monod m’a beaucoup parlé et a été très présent dans la construction du personnage.

France Net Infos : Dans le film, vous êtes souvent filmée en gros plans et vous passez par différents états et différentes émotions. Quelles indications vous a données Jean-Claude Monod pour parvenir à cette justesse ?

Marie Toscan : Il a fait en sorte que parfois je ne sache pas vraiment ce que je faisais là. Le personnage est un peu perdu et il m’est arrivé de me demander ce que Jean-Claude attendait de moi. C’est exactement ce qu’il voulait donc ça a plutôt bien marché ! Après, sur certaines scènes, il m’a beaucoup guidée au niveau des émotions mais toujours en me laissant une certaine liberté au niveau de l’interprétation. Au début, il y a cette espèce de candeur liée à l’enfance puis il y a la désillusion et enfin la partie du procès où elle est exposée. J’ai dû aller chercher certaines émotions parce que je ne les ai pas toutes connues dans ma vie ! Je n’ai que trente ans ! J’ai donc dû parfois m’inventer des histoires pour créer certaines émotions.

France Net Infos : Quels sentiments éprouvez-vous pour ce personnage ?

Marie Toscan : Beaucoup d’empathie ! Je l’ai trouvé très touchant dès la première lecture du scénario. Il est aussi un peu trop candide dans sa façon de voir les choses. On lui demande de changer d’habits et il le fait, pensant que tout va bien se passer. Anne/Jean-Baptiste est quelqu’un de profondément gentil et se retrouve face à des personnages qui ne sont pas tous bienveillants.

France Net Infos : Vous êtes issue d’une famille d’artistes et très jeune vous avez été habituée à assister à des tournages. C’est ce qui vous a donné envie de faire du cinéma ?

Marie Toscan : J’ai baigné très tôt dans ce milieu mais j’ai eu du mal à assumer le fait que je voulais être comédienne parce que justement ma mère et ma grand-mère le sont. C’était un peu dur pour moi de me l’avouer. A vingt ans, j’ai commencé par faire du décor, puis un peu de régie, puis j’ai été assistante réalisateur. J’ai un peu cherché ma place dans ce milieu et à 27 ans, je me suis mise à lire beaucoup de théâtre et j’ai réalisé que je voulais être comédienne. J’ai osé le dire à ma famille. Tout le monde a été très content pour moi et m’a soutenue. Ma mère m’a parlé des cours de théâtre de l’atelier Blanche Salant. Alors que je vivais à Lyon à l’époque, elle m’a accueillie chez elle à Paris pendant trois ans et m’a payé les cours. Mes parents ont été très présents dans ma décision.

France Net Infos : Quels sont vos projets maintenant ? Du cinéma ? Du théâtre ?

Marie Toscan : A l’automne 2024, je vais jouer une pièce de théâtre avec ma grand-mère Marie-Christine Barrault. C’est une création sur un peintre de la fin du XIXe siècle, qui s’appelle Jean-Léon Gérôme. La pièce va être créée en Franche-Comté pour le bi-centenaire de la mort du peintre qui vient de Vesoul. On la jouera plus tard à Avignon en 2025. On espère la jouer davantage à l’automne 2025 mais ma grand-mère a un planning bien chargé ! C’est elle qui m’a initiée au théâtre depuis ma plus tendre enfance. Je la trouve incroyable ; elle est toujours de bonne humeur et ravie d’être là ou elle est. Elle est très solaire !

Un jour fille de Jean-Claude Monod avec Marie Toscan, Iris Bry, Thomas Scimeca, Thibault de Montalembert… au cinéma le 8 mai. 

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