Lucrèce Borgia séduit au théâtre Le Quai d’Angers

Borgia. Ce célèbre patronyme du Pape Alexandre VI et de ses enfants résonne comme synonyme de perversion, cruauté, passions sombres et enflammées. Plus de trois siècles après le règne des Borgia sur Rome, Hugo avait choisi, mêlant historicité et liberté, de s’intéresser à la fille du Pape dans Lucrèce Borgia. Aujourd’hui le théâtre Le Quai d’Angers accueille le directeur du CDN de Haute-Normandie, David Bobée, et sa troupe, pour une représentation lagunaire, dionysiaque, moderne et métissée de cette épopée dramatique.Lucrèce Borgia - Béatrice Dalle

 Mystérieuse et somptueuse, la Venise qui s’offre aux yeux du public intrigue. Sur un plateau recouverts d’eau, flottent des pontons comme on peut en trouver dans les ports plaisanciers. Au fond se dresse un échafaudage métallique avec, côté jardin, une niche dans laquelle un musicien et sa guitare sont logés et côté cour, des lettres lumineuses formant le mot BORGIA. Bientôt six jeunes hommes prennent possession des lieux. Six fils de nobles familles italiennes (Vitelli, Orsini…), six condottieres, chevaliers et mercenaires. Six comédiens, danseurs, acrobates et chanteurs à la fois, dont les lacunes individuelles de chacun dans un de ces domaines sont compensées par le talent des autres. Ils forment une meute de frères d’armes métissée, unie par une énergie débordante, un humour tantôt subtil tantôt burlesque, et une haine commune envers l’assassin de leurs proches: Lucrèce Borgia. Tous sauf un. Un jeune capitaine de la République de Venise, Gennaro, qui retient toute l’attention de la duchesse. Après lui avoir ouvert son cœur et notamment le fait qu’il ne connaisse pas sa mère, Gennaro repousse cette femme détestée par ses amis.

Ces deux protagonistes principaux éprouvent une attirance naturelle l’un pour l’autre, dont la nature est ambiguë jusqu’à la fin de la pièce. Béatrice Dalle, forte d’une expérience de trente ans au cinéma, interprète Lucrèce Borgia pour son premier rôle au théâtre. Muse en quelque sorte du metteur en scène, son rôle celui d’une des grandes figures féminines tragiques du théâtre romantique. C’est une femme libérée dans un monde d’homme. Une belle madone italienne, fille et sœur incestueuse, mère aimante mais absente, femme de pouvoir, fière, intransigeante et criminelle. Lucrèce Borgia - Pierre CartonnetPersonnage aux multiples facettes, ce qui implique un jeu d’acteur similaire. Si dans les versants martial et sentimental, Béatrice Dalle est irréprochable, son interprétation est moins convaincante lorsqu’elle joue dans le tragique. Une théâtralité excessive tue la théâtralité ! Contrairement à son partenaire Pierre Carbonnet (Gennero) qui a notamment tenu le rôle d’Hamlet pour David Bobée de 2010 à 2012, elle développe une gestuelle trop caricaturale, trop démonstrative. Parfois aussi, la voix lui manque, ou le ton n’est pas juste. A l’inverse, Alain d’Haeyer qui interprète le duc Alphonse d’Este, malheureux époux de la ténébreuse Lucrèce, déclame sans faillir un long monologue à son épouse où il déballe son amertume et sa colère qui, par sa formidable intensité, eut mérité des applaudissements.

Sans doute la scénographie n’y est pas neutre. David Bobée, habitué de longue date à la fusion des genres artistiques, met ici des moyens considérables au service de la pièce qui s’en trouve sublimée. Plus qu’une pièce à proprement parler, ce Lucrèce Borgia prend la forme d’un dithyrambe profondément dionysiaque et tragique. La musique et la danse y ont toute leur place. La musique, souvent en fond sonore accompagne les répliques et seule parfois, opère les transitions entre les scènes. La danse aussi est omniprésente. Qu’elle soit contemporaine, rock, orientale ou hip-hop, elle cadence la pièce par un rythme effréné, un visuel comique et d’une réelle beauté. Esthétique d’autant plus réussie que les flots resplendissent sous la lumière des projecteurs, les pas et les sauts des acteurs. Dans la salle aussi, apparaissent parfois des éléments du spectacle. Les hommes de mains de l’épouse (Gubetta, Jerôme Bidaux) et du mari (Rustighello, Maruis Moguiba) complotent avec leurs maîtres de projets d’assassinats suspects. On se rappelle alors la tournure tragique que prend la pièce. Inconsciente, la meute des frères d’armes s’enivre sous les fenêtres du palais de Lucrèce, dont l’écriteau a perdu son B, devenant ORGIA (orgie). Lucrèce Borgia - la meute

Une pièce démoniaque, drôle et passionnelle où deux destins tragiques s’entremêlent qui remet, après deux séries télé et avec plus d’émotions, l’histoire d’une époque, d’une famille, d’une femme mythique, au goût du jour ! Standing ovation et salle comble méritées ce 8 février !

Informations et réservations: http://lequai-angers.eu/saison/lucrece-borgia

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