Churchill et De Gaulle au Musée de l’Armée

”I have nothing to offer but blood, toil, tears and sweat”. Churchill en juillet 1940 tenant une arme à feu surnommée ”Tommy gun”. ”Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.” De Gaulle photographié par Howard Coster en juin 1940.

Jusqu’au 26 juillet 2015, le musée de l’Armée et la Fondation Charles de Gaulle se placent dans le double cadre du 70ème anniversaire de la Libération et du 50ème anniversaire de la mort de Winston Churchill, pour nous présenter une exposition mettant en parallèle la vie de deux hommes aux destins exceptionnels.

On voit, on écoute, on apprend

En s’approchant de l’Hôtel des Invalides, tout observateur ne peut s’empêcher de marquer un temps d’arrêt et de prendre du recul. La vue est éblouissante. On remarque d’abord le sommet d’or qui, en ce jour ensoleillé, ne manque pas de reluire. On admire ensuite la façade du bâtiment à la longueur imposante et les jardins qui séduisent par leur élégante symétrie. Le contemplateur, même le moins avisé, est immédiatement ébloui par ce mélange de rigueur et d’harmonie. Mais il faut vite dépasser cette première impression esthétique pour braver la vaste rangée de canons verts et entrer dans ce lieu chargé d’histoire. Il n’y avait peut-être pas de lieu plus propice à la découverte de Churchill et de De Gaulle que le musée de l’Armée situé au cœur de l’Hôtel des Invalides. En commençant l’exposition, on sent bien qu’il y a comme une logique historique entre le lieu et les événements qui nous sont présentés. Car c’est bien la guerre, et même les guerres, que cette exposition retrace à travers le regard, la pensée, et l’expérience du Général De Gaulle et du francophile Winston Churchill. Dès les prémisses de l’exposition, le visiteur entend leurs paroles. Une reconstitution d’un studio de la BBC le plonge ainsi dans une immersion sonore qui l’invite à considérer l’histoire non comme une abstraction passée, mais bien comme un hier vécu par des hommes qui nous ont précédés. La grande Histoire se lit ici à travers deux histoires personnelles qui s’entrecroisent.

La première rencontre: point central de l’exposition

L’aventure à travers l’histoire complexe de ces deux hommes s’organise autour de leur rencontre en juin 1940. Cette date, étape charnière de l’exposition, permet de revenir sur les années de jeunesse et de formation, sur les débuts en politique, essentiels avant d’entrer dans la narration et l’explication des événements postérieurs à juin 40. Cette organisation en diptyque permet ainsi de faire un retour biographique sur ces deux figures historiques. On découvre l’enfance bourgeoise de De Gaulle, celle plus fastueuse de Sir Churchill, les années de formation militaire, les premiers combats et premières expériences de la guerre. Mais, selon une lecture plus intimiste, on découvre aussi un Churchill plus sombre et même plus artiste. Qui l’eût cru? L’homme au cigare était aussi peintre, et on admire ainsi à l’occasion quelques tableaux peints par celui qui contribua à la défaite allemande lors de la deuxième guerre mondiale.

Quand comparaison est raison

Lettre du général envoyée à Churchill le 7 juin 1958
Lettre du général envoyée à Churchill le 7 juin 1958

Pourquoi associer Churchill et De Gaulle au sein d’une même exposition? La question peut se poser. Plus d’une décennie sépare ces deux hommes qui ont vécu dans deux pays différents et ont grandi dans des mondes totalement opposés. Cependant, l’Histoire va bel et bien rapprocher ces deux êtres qui n’étaient d’abord pas faits pour se rencontrer, et pour la première fois une exposition tente de faire jaillir le sens qui surgit du rapprochement de ces deux destinées. Comme pour attester de ce lien qui unissait le premier ministre britannique et le général français, une riche collection de lettres et de télégrammes qu’ils se sont échangés sont à lire lors de cette exposition. De ce lien épistolier on découvre, entre autres choses, leur intérêt profond pour ce qui se passe outre-Manche.

Derrière ce lien d’homme à homme, c’est bien le destin de deux nations qui se joue. Prendre le parti de la lecture comparatiste c’est ainsi étudier les relations entre la France et l’Angleterre à un moment décisif de l’Histoire: la guerre bien sûr, mais aussi l’après-guerre et le rôle majeur de l’alliance franco-britannique au début de la guerre froide, au moment où se redessine la carte du prestige international. Sans oublier les bouleversements en matière de politique intérieure qui frappent ces deux pays: les mouvements indépendantistes, la guerre d’Algérie, la question du Sahara, le suffrage universel etc. Que dire de l’union entre De Gaulle et Churchill, et partant entre la France et l’Angleterre alors que les tensions entre les Etats-Unis et l’URSS s’accroissent et que la situation intérieure de ces pays se définie par l’instabilité ? C’est une des questions majeures soulevées par cette exposition.

L’atelier des mémorialistes

Le général de Gaulle et Winston Churchill descendent les Champs-Elysées le 11 novembre 1944
Le général de Gaulle et Winston Churchill descendent les Champs-Elysées le 11 novembre 1944

On entre ainsi dans un moment de l’Histoire à l’aide d’un double regard, offrant plusieurs perspectives de lecture. L’image qui sert d’affiche à cette exposition (voir ci-contre) est pour le moins éloquente: elle résume à elle seule l’intérêt de ce rapprochement. En cette année 1944, dans le décor parisien où domine l’imposant Arc de Triomphe, les deux hommes regardent dans des sens opposés … mais avancent ensemble. C’est dire qu’au delà des différences et divergences, une union a pu poindre dans la poursuite d’un intérêt politique commun.

Car s’ils ont partagé un moment de l’histoire, ils ont aussi partagé un même rapport à l’histoire: celui de l’importance de la mémoire et du retour vers le passé. De Gaulle et Churchill ont tous deux senti la nécessité d’écrire leur vie, de composer leur ouvrage de mémoire, dont certains originaux sont visibles lors de cette visite. C’est donc aussi dans ce besoin de transmettre l’histoire que ces deux figures se rejoignent. Cette exposition reste fidèle à leur ambition de mémorialiste: faire un travail de mémoire, clarifier l’histoire, humaniser aussi des personnages ayant vécu à une époque qui peut sembler éloignée. Mais elle vise aussi, et peut-être avant tout à parler aux jeunes générations par ce prisme intimiste, qui cependant n’oublie pas l’enjeu global de l’événement et du statut de ces deux hommes. La multiplication des supports (visuels, vidéos, questionnaires interactifs) mis à disposition du public et notamment du jeune public, vise ce projet de transmission de l’histoire aux générations actuelles.

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