Festival TRAJECTOIRES : “Ma république et moi” d’Issam Rachyq-Ahrad au Théâtre de Grasse les 17 et 19 janvier

Le festival TRAJECTOIRES se poursuit jusqu’au 16 février dans plusieurs théâtres et lieux culturels des Alpes-Maritimes. Parmi les temps forts de l’édition 2024 :  “Ma République et moi” au Théâtre de Grasse les 17 et 19 janvier, une pièce écrite, mise en scène et interprétée par Issam Rachyq-Arhad, ancien élève de l’Ecole d’acteurs de Cannes de 2007 à 2010. Dans ce texte fort et tendre à la fois, Issam, devenu adulte, convoque les souvenirs de sa vie quotidienne auprès de sa mère. Une histoire personnelle, qui atteint l’universel. 

Entre deux représentations de “L’Art de perdre”, adaptation théâtrale du très beau roman d’Alice Zeniter dans laquelle il incarne le grand-père Ali, Issam Rachyq-Arhad nous a longuement parlé au téléphone de “Ma République et moi”, un projet qui lui tient particulièrement à coeur et qui l’a mené à créer sa compagnie théâtrale, la compagnie IWA.

France Net Infos : Comment est née l’idée de “Ma République et moi” ?

Issam Rachyq-Arhad : A la suite d’un fait divers qui m’avait marqué : en 2019, lors d’une séance au Conseil régional de Bourgogne-France-Comté, un élu du Rassemblement National a pris à partie une femme voilée qui accompagnait des élèves lors d’une sortie destinée à les sensibiliser aux valeurs de la République. Son fils de dix ans était à ses côtés. J’ai alors eu envie de traiter de ces questions-là. J’ai lu beaucoup de choses mais je n’ai pas trouvé de pièces abordant ce sujet. Je me suis alors dit que s’il n’y en avait pas, il fallait l’écrire ! Le point de départ de “Ma République et moi”, c’est comment, quand, enfant, on est témoin de l’humiliation de l’un de ses parents, on se remet et on se protège. Au départ, quand j’ai commencé à penser à ce projet, je ne savais pas à quel point il allait être intime. J’ai beaucoup réfléchi à ce que j’avais dû mettre en place, moi aussi quand j’étais enfant, pour me protéger. Il y a beaucoup de liens entre cet enfant qui était au conseil régional et l’enfant que j’étais. J’ai grandi à Cognac et, dans les années 90, il y avait peu de mères comme la mienne. Avec cette pièce, j’essaie de donner une visibilité à ces femmes, à ces familles, et du coup à ces enfants.

France Net Infos : Pourquoi avez-vous choisi ce titre, “Ma République et moi” ?

Issam Rachyq-Arhad : Il y avait plein de titres possibles. “Ma République et moi”, c’était le titre du projet pédagogique mené avec les élèves de la région. Pendant tout un trimestre, ils allaient à la rencontre, d’élus, d’associations.

France Net Infos : Avec cette pièce, vous interrogez sur la place que l’on a dans la société…

Issam Rachyq-Arhad : Qu’est-ce qui me définit ? La question de la définition de soi-même m’intéresse beaucoup. Est-ce que ma simple définition suffit dans la société ? Souvent, j’ai l’impression que c’est le regard des autres et les autres eux-mêmes qui nous définissent. Quand on va au bout de la démarche pour s’intégrer, dans le regard des gens est-on véritablement assimilé ? C’est un peu le parcours de ma mère et de plein de femmes qui ont vécu l’immigration. Dans la pièce, je dis toujours que quand on me demande d’où je viens, je réponds que je suis Charentais. Mais cette réponse ne suffit pas aux gens. On me dit : “mais avant ?”. Eh bien, avant, je n’étais pas né !

France Net Infos : Sur scène, vous êtes donc seul et vous interprétez votre mère…

Issam Rachyq-Arhad : Je me suis beaucoup questionné sur la représentation de la mère sur scène. Fallait-il la théâtraliser, la rendre fictionnelle ? Mais je trouvais que procéder ainsi allait dénaturer le trait de ma maman. Elle a forcément une corporalité, une attitude qui n’appartiennent qu’à elle. A un moment, je me suis alors dit : qui d’autre que que son fils peut faire sa mère ? C’est pour cette raison que je suis parti sur un seul en scène. C’est une sorte de récit autobiographique mais en même temps avec de la fiction parce que je joue ma mère et qu’il y a forcément du théâtre.

France Net Infos : Vous dites donc “je” dans la pièce. Votre mère parle à travers vous…

Issam Rachyq-Arhad : Je n’ai pas la prétention de vouloir jouer ma mère. J’ai la nécessité de lui faire dire ce qu’elle avait envie de dire. C’est comme si j’étais un porte-parole de ma maman, mais pas que d’elle. Pour ce projet, j’ai rencontré plus de soixante-dix femmes en France. J’avais envie de brosser un portait un peu universel de ces femmes. Finalement, je me suis rendu compte que j’avais interviewé plein de femmes mais pas ma mère. C’est à ce moment-là qu’est née la nécessité de l’intime.

France Net Infos : Votre mère a-t-elle vu le spectacle ?

Issam Rachyq-Arhad : Oui bien sûr ! Parfois même elle y participe. Au départ, je voulais qu’elle y participe entièrement mais ça la stressait beaucoup ! C’est aussi pour cette raison que la pièce a pris cette forme où je suis seul et je porte sa voix.

France Net Infos : Même si vous abordez une thématique précise, la pièce peut toucher un large public et résonner en chacun de nous…

Issam Rachyq-Arhad : Exactement ! Même si on n’est pas confronté à la problématique dont je parle dans la pièce, il y a des choses qui peuvent résonner. Je trouve que cela est très important. Je viens d’un milieu rural et quand j’ai démarré ce projet, ma volonté était d’aller jouer dans des lieux qui n’étaient pas destinés à recevoir ce genre de pièces. Je voulais faire découvrir autre chose à ce public. L’année prochaine, on va faire une tournée dans les collèges, dans toutes les classes de 6e du département de la Charente. C’est génial ! “Ma république et moi” est surtout un spectacle qui parle de liberté de la femme en général, la liberté de choisir. C’est central dans la pièce. Je l’ai pensée avec cette philosophie-là.

“Ma République et moi” d’Issam Rachyq-Arhad au Théâtre de Grasse les 17 et 19 janvier. La pièce sera jouée pendant le festival d’Avignon au Théâtre des Halles. 

Issam Rachyq-Arhad  sera aussi au Théâtre de Grasse dans “L’Art de perdre” le 13 avril 2024. 

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