Freeman l’homme libre du Hip-Hop

Marseille possède quelques égéries dans le domaine du foot, de la musique et du cinéma qui ont contribué à lui forger une image positive et passionnée. Dans le milieu du Hip-Hop, un groupe mythique a mêlé son histoire à celles des marseillais et de leur ville. Parmi les membres fondateurs du groupe IAM, Freeman est un des piliers de ce genre musical, homme libre dans ses actes, dans ses paroles et dans ses convictions.

Freeman

Avec une gentillesse, une spontanéité et une disponibilité qui lui sont propres, Freeman a consacré à FranceNetInfos un long entretien, riche de confidences et d’anecdotes, sur une terrasse de café sur le Vieux-Port, face au soleil et à la bonne mère qui nous couvait de son regard bienveillant. Freeman détient une cote de popularité incroyable auprès des marseillais, pour preuve les saluts amicaux des gens qui passent devant nous dans la rue, auxquels l’artiste répond avec prévenance. Interview :

FranceNetInfos : Freeman, tu reçois souvent des signes d’affection comme ça de la part de ton public ?
Freeman (avec un large sourire) : Oh oui tout le temps… C’est toujours agréable, les personnes sont respectueuses, elles ne me sautent pas dessus. Je me sens très proche des gens parce que je vis ici à Marseille, je ne me suis jamais coupé de la vie réelle. Je sais d’où je viens, c’est à dire de la rue, un monde très dur, implacable. Aujourd’hui, je vois mon parcours, quand mes textes sont étudiés à la Sorbonne, on me demande quelle fac j’ai faite, je réponds la fac de la rue ! Je suis autodidacte, j’ai découvert le plaisir de déambuler dans les travées des bibliothèques, lire les titres des livres et laisser vagabonder mon imagination, ma créativité.

FNI : Justement, cette créativité se ressent beaucoup dans tes morceaux, en les écoutant, j’ai eu l’impression que tu pars d’un constat qui est que le monde va mal, que beaucoup de choses autour de nous sont négatives, mais malgré tout, à partir de toutes ces mauvaises choses, il faut toujours essayer d’en tirer du positif. Est-ce que c’est le message que tu veux transmettre ?
Freeman : Exactement ! Tu viens de résumer en deux phrases toute ma vie ! Je suis réaliste, je sais que la vie est dure, moi-même je viens d’un milieu difficile, la rue, il fallait se débrouiller pour vivre, trouver l’argent vite pour manger. On n’avait pas le temps pour se cultiver ou étudier, à cette époque-là, on méprisait les gosses de riches qui allaient à l’école et au musée ! La rue était devenue ma famille. Puis avec le temps et les bonnes rencontres, je suis revenu vers ma vraie famille, à la source, à l’essentiel. J’ai poussé les portes des bibliothèques, j’ai appris à m’auto-éduquer pour pouvoir évoluer. J’ai découvert des artistes dont je me moquais étant jeune comme Brel, Charles (Aznavour), Serge (Gainsbourg) et j’ai compris leur influence, leur utilité.

Sous La Mine

FNI : Ces artistes mettaient du sens à leurs textes, tout comme toi. Dans ton dernier album paru sous le label Epicentre Records: Sous la mine, ou dans ton morceau avec Guevarrah : On a encore des rêves sur Martin Luther King, tu donnes une grande importance au contenu. En quoi est-ce important ?
Freeman : Oui, dans le Hip-Hop, le fond est indissociable de la forme. C’est ce que la nouvelle génération des artistes de rap a oubliée malheureusement. Aujourd’hui, les textes sont violents, négligés, il ne faut pas oublier que le mot Rap signifie Rythm’n’Poesy. Cette dimension artistique a complètement disparu de la créativité actuelle. C’est comme l’esprit Hip-Hop qui s’est disloqué. A l’origine, le Hip-Hop ce sont quatre disciplines qui forment un tout : la danse, le graff, les DJ et les MC. Le Hip-Hop c’est la continuité de la branche de la black music dans l’arbre généalogique de la musique. Tous les mélanges sont permis pourvu qu’on soit créatif. A mes débuts, on faisait de véritables spectacles en mêlant les quatre piliers du genre. Aujourd’hui, les graffeurs mènent leur vie de leur côté, les anciens du rap recyclent leurs vieux sons, j’appelle ça la brocante du Hip-Hop (rires)… Moi j’ai déjà du mal à choisir quelques titres parmi mes derniers albums, alors remonter vingt ans en arrière !

 

FNI : Remontons vingt ans en arrière… Raconte nous tes débuts dans le Hip-Hop.
Freeman : Au début, avec IAM, j’étais danseur. Nos morceaux parlaient de la dure réalité de la rue, ce qu’on vivait au quotidien. Puis un jour, on a rencontré quelqu’un qui nous a dit vous n’en avez pas marre de raconter tout ça, les gens le vivent, ils n’ont pas envie qu’on leur raconte leur vie, ils ont envie de rêver. Alors, ça a été le déclic pour nous, on s’est remis en question et ça a marqué un virage dans notre travail artistique. On allait beaucoup aux Etats-Unis, on rappait dans notre langue, on était les seuls à faire ça, tous les autres groupes de rap européens écrivaient leurs textes en anglais, ça les a étonnés de voir un groupe rapper dans sa langue, ça a fait des émules. On a beaucoup contribué à la diffusion du rap en Europe. Les artistes américains traduisaient nos textes et ils étaient épatés, ils nous disaient qu’avec nos textes très travaillés et poétiques, on faisait quelque chose d’inédit dans le milieu ! Jusqu’à maintenant c’est ma manière de travailler, je ne me suis jamais considéré comme un “suceur de roue” comme on dit ici, je suis un défricheur, j’ai toujours un temps d’avance parce que je veux à tout prix cultiver l’originalité.

L’Palais de Justice

FNI : Parlons de l’avenir, quels sont tes projets ?
Freeman : Comme j’alterne toujours un album solo et une collaboration, et que je viens de sortir un album solo (Sous la mine en 2017), je prépare un album avec un artiste napolitain : Ermano Di Napoli. On est en plein enregistrement, on a déjà six morceaux qui sont déjà prêts, la sortie de l’album est prévu avant la fin de l’année. Et ensuite je me lancerai dans la préparation d’un album solo. Cette alternance me permet de me ressourcer pour me renouveler constamment.
Et j’ai aussi une bonne nouvelle pour mes fans, en janvier 2019, je fête les vingt ans de mon tout premier album L’Palais de justice avec mon complice de toujours K Rhyme Le Roi qui a été disque d’or. D’ici là, chaque mois, je vais faire re-découvrir un titre de cet album sur ma chaine youtube.

Freeman est un artiste pluridisciplinaire et éclairé, véhiculant sa vision positive du Hip-Hop malgré ses réticences sur ce que les nouvelles générations en ont fait. Pendant cet entretien foisonnant, de nombreux autres sujets ont été abordés comme l’origine de son pseudo, la BD qu’il avait faite avec IAM, son label Epicentre, son projet de festival Hip-Hop ou sa vision de l’utilité d’un artiste dans la cité… Impossible de retranscrire ici la totalité de nos échanges tellement ils étaient fournis et intéressants, mais la meilleure façon de découvrir l’univers d’un atiste, c’est encore d’écouter ses titres…

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