David Allouche est économiste et écrivain. Diplômé de l’ESSEC et de Telecom ParisTech, il est également Maitre de conférences à Sciences Po. Son expertise dans le monde de la Finance fait de lui un intervenant très apprécié.
Auteur de Marchés financiers, sans foi ni loi ? paru au Presses Universitaires de France en 2016, il nous livre avec ce premier roman La kippa bleue, un récit incroyablement tendre et intimiste.
Dans deux jours, c’est Kippour, le jour du grand Pardon (…). C’est le jour qu’a choisi Sasha pour annoncer à son père qu’il ne croit plus en Dieu.
Sasha a 17 ans, et ne veut plus mentir …
“Teffilin ! Liens noirs de cuir que je porte le matin pour prier, ligoté au saut du lit, le cerveau tenu en laisse. (…)”.
Pour lui, le déclic s’est fait à treize ans, le jour de sa bar-Mitsvah où incapable de nommer le nom de Dieu, empêché d’articuler le nom du Tout-Puissant … il reste silencieux. Ce qui passe inaperçu aux yeux de tous est pour lui le moment précis où la foi le quitte.
Il va devoir affronter son père, juif religieux et donc très pratiquant, qui “reçoit ses instructions directement de Dieu. Un lien aussi privilégié avec l’au-delà, ça réduit considérablement la capacité d’écoute et l’ouverture d’esprit” pense-t-il.
Parallèlement à sa recherche existentielle, Sasha va errer dans Paris en quête d’aventures, de rencontres amicales et de “divines idylles” … Et il va rencontrer Carla, une princesse en robe blanche et en collants violets, il est électrisé, envouté, fougueusement amoureux … Un verre au Café Rouge le temps d’évoquer Kubrick et Kusturica …
… puis un passage dans la chambre 212 de l’Hôtel Verlaine où enlacés ils vont s’aimer et se parler, lui de son histoire et de celle du judaisme, des textes sacrés … elle va l’écouter.
Ces deux jours sont une sorte de road-trip, une manière d’errance initiatique qui le prépare à la rencontre suprême. Au hasard de leur dernière nuit ensemble, Carla lui offre un livre “Lettre au Père” une longue lettre signée Frank Kafka et tout est dit car Franz craint son père.
Son amie lui fait la lecture puis s’endort, Sasha termine la lettre et comprend que l’auteur l’écrit car les mots sont coincés dans sa gorge, il l’écrit pour ne pas mourir étouffé.
Plus tard, elle lui demande s’il se sent différent : “Différent ? je ne sais pas. Différent de qui ? De mon père ? Est-ce que je me sens juif ? Je me sens moi c’est tout. (…) Je suis UN et je veux devenir ce que je suis. (…) je suis artiste”.
Le décor est planté, il lui faut maintenant rencontrer son père, un intellectuel profondément religieux qui pour évoquer la création artistique et l’abstraction, va citer Kandinsky et Mondrian. Il ne leur reste plus qu’à se parler.
Je vous laisse découvrir la fin du roman et vous murmurer que ce livre m’a beaucoup touchée, car il renvoie aux plus intimes questionnements, aux douloureux cheminements intérieurs, évoqués entre autres, dans “L’Elu” de Chaim Potok, un livre offert à Sasha par son père, probablement pour lui donner l’envie de ce “supplément d’âme” qu’il croit indispensable.
D’abord vouloir devenir soi au delà de la religion puis l’assumer face à ses proches. Quel chemin douloureux et riche à la fois, que de questionnements. Voilà l’immense intérêt de la lecture de ce livre dont le courage est de trouver sa propre vérité.
Merci pour ce joli compliment !