Dernière ligne droite avant la fin du Festival. Cet avant-dernier jour de la compétition a été marqué par la présentation des derniers films de deux anciens lauréats de la Palme d’Or : Nanni Moretti et Wim Wenders.
« Vers un avenir radieux » de Nanni Moretti
La dernière partie du Festival aura été marquée par l’Italie : après Marco Bellocchio et avant Alice Rohrwacher, Nanni Moretti a fait son retour dans la compétition avec son très réjouissant « Vers un avenir radieux ». Son dernier opus est dans la veine de « Journal intime ». A la fois derrière et devant la caméra, il interprète Giovanni, un cinéaste en pleine tourmente. Il est en train de tourner un film de fiction sur l’arrivée d’un cirque hongrois à Rome, en 1956 et son personnage principal est un membre du Parti Communiste italien. La vie personnelle de Giovanni part en vrille mais il ne s’en rend pas compte. Sa femme veut le quitter depuis longtemps mais recule le moment de le lui dire. Quant à sa fille, elle sort avec un diplomate qui pourrait être son grand-père ! Rien ne va plus non plus pour son film. Face aux difficultés financières, son producteur français (Mathieu Amalric) lui suggère d’aller voir Netflix. Moretti nous régale alors d’une scène à mourir de rire. Giovanni-son double de cinéma, est médusé lorsque la patronne de la plateforme présente dans 190 pays comme elle s’applique à le répéter lui conseille de faire un film « what the fuck ? ». Mine de rien, Moretti se livre à une réflexion sur le cinéma et à son avenir (d’où le titre). Et lorsque Giovanni interrompt le tournage d’un blockbuster dont sa femme est la productrice pour débattre sur la violence au coeur du cinéma, convoquant une mathématicienne et même Scorsese, on ne peut que l’approuver ! C’est toujours un pur plaisir de voir un film de Nanni Moretti. Son audace et sa fantaisie font toujours mouche et quand le film se termine, on a envie de danser et de chanter, au rythme des derviches tourneurs, comme Giovanni.
« Perfect days » de Wim Wenders
Au début du Festival, Wim Wenders avait présenté « Anselm » hors compétition, un très beau film en 3D sur le peintre Anselm Kiefer. Il était de retour à Cannes jeudi, en lice pour la Palme d’Or avec « Perfect days ». Un titre positif, à l’image de ce film tourné vers la lumière. Le cinéaste allemand, fasciné par le Japon, a tourné le film à Tokyo. Il s’agit au départ d’une commande qu’on lui a adressée pour mettre en valeur des projets sociaux à forte valeur architecturale ajoutée. Son personnage principal, dont il suit pendant près de deux heures le quotidien, est un homme chargé du nettoyage des toilettes des jardins publics de la ville. Il mène une vie ordinaire, simple qui lui convient parfaitement. Pas de télévision chez lui mais beaucoup de livres et un radio-cassette. Quand il ne travaille pas, il lit (Faulkner par exemple), écoute de la musique (notamment Lou Reed et le titre « A perfect day » auquel le film fait irrémédiablement penser), prend des photos (avec un appareil argentique) de sa ville et des arbres qui l’environnent. Il parle très peu, au grand dam de son collègue de travail, mais ses paroles sont justes et il sait écouter et observer. On le suit sur plusieurs jours, depuis son lever (sans réveil), jusqu’au soir. Il lit avant de s’endormir et rêve de ses journées passées et de ses lectures. Tout cela, Wenders le montre avec une grande délicatesse. Comme il l ‘a affirmé en conférence de presse, « Perfect days » est un film spirituel. Son personnage est semblable aux anges des « Ailes du désir ». Aux yeux des autres, il est souvent invisible. On ne sait pas grand-chose de lui mais on devine qu’il vient d’un milieu aisé qu’il a quitté pour une vie sereine, éloignée du superflu et des considérations matérielles. Au fil de ses journées, il fait des rencontres et, un jour, sa nièce qu’il n’a pas vue depuis longtemps, débarque chez lui, laissant entrevoir un pan de son histoire. Le film a été écrit vite et tourné en seulement trois semaines. Tout le monde n’a pas le talent de Wenders pour réussir un tel petit bijou de poésie en si peu de temps. « Perfect days » est un film sur les petits riens, sur les petits plaisirs de la vie, sur les instants de bonheur. Le jury sera-t-il séduit à son tour par tant de douceur ?