L’Amant / La Collection : la cruauté vous va si bien

Le Théâtre de l’Atelier vous propose un délicieux diptyque d’Harold Pinter au goût amer mis en scène par Ludovic Lagarde. Un cocktail de cruauté bourgeoise qui enivre et donne le cafard. 

À l’origine Harold Pinter a écrit ces deux histoires comme des scénarios. Et ce cadre cinématographique se ressent dans l’écriture. Les personnages sont dessinés progressivement et des implants distillés pour donner corps à une intrigue brumeuse.

Le temps est distendu, fondu, elliptique. La lumière de Sébastien Michaud instaure une esthétique proche du giallo : léchée, tranchée, teintée d’une obscurité étouffante. L’ambiance est lourde et le verbe caustique.

Deux huis clos domestiques où l’horreur se confond à l’absurde.

L’Amant

Un vaudeville malsain par un couple dysfonctionnel brillamment interprété par Valérie Dashwood et Laurent Poitrenaux. C’est tordu et glauque. Un jeu de rôle pervers entre Sarah et Richard qui tentent désespérément d’électriser un quotidien des plus mornes.

Derrière la farce sexuelle c’est un règlement de compte tacite. Une frustration de non-dits. Un rejet de l’autre pour un amant fantasmé et exutoire. C’est drôlement moche. Un portrait acerbe d’une bourgeoisie qui s’ennuie, abandonnée à soi-même, au mépris de toute humanité.

La Collection

Un jeu de dupes cruel entre deux couples de sociopathes : celui de “L’Amant” accompagné de Micha Lescot et Mathieu Amalric qui subliment les pires affres de l’âme humaine. C’est horrible et pervers. Un conflit de voisinage enlisé dans une animosité sourde.

On peut voir dans “La Collection” la véritable vie de Stella et James dépouillés de leur alter ego Sarah et Richard. Les masques sont tombés et l’adultère rêvé par cette styliste s’est concrétisé dans les bras de Bill. Un créateur de mode dont Harry s’est pris d’affection. Ils cohabitent sous le même toit au gré de remarques assassines.

La haine suinte des murs. Une rancœur refoulée, exacerbée par cette rencontre inopinée dans un hôtel de Leeds. Étrange coïncidence de croiser son voisin. Tout est suspect, le moindre mot, silence, geste. On étouffe devant ces échanges courtois grimés en coups-de-poing assassins.

La parole est vide de sens. Les corps désarticulés dans un quotidien abscons. Un regard sarcastique sur une société de l’image, le contrôle des masses par l’effroi du doute. Enfin.. c’est une interprétation. Et elles sont multiples avec Harold Pinter. Ce qui fait le charme de ce dyptique.

L’Amant / La Collection
au Théâtre de l’Atelier

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