Le 1er décembre 2016, François Hollande annonce qu’il ne se présentera pas pour un second mandat présidentiel. Les raisons sont multiples, mais se cristallisent dans un livre « Un président ne devrait pas dire ça » sorti deux mois avant cette allocution. Pendant 5 ans, à raison d’un entretien par mois, les journalistes d’investigation Gérard Davet et Fabrice Lhomme vont rencontrer 61 fois le président de la République.
Encore aujourd’hui, il est difficile de comprendre les motivations de François Hollande de commenter en temps réel sa politique. La date de sortie du livre expose clairement le jeu de dupes auquel le chef de l’État et les journalistes se sont adonnés tout au long de ces confidences nocturnes. Il n’a jamais été question de publier ce recueil d’entretiens après la présidentielle de 2017. Pour autant, François Hollande émet à plusieurs reprises ce souhait.
Considère-t-il les journalistes comme de simples VRP voués à sublimer son premier quinquennat ? C’est la question qui ronge Stéphane (Thibault de Montalembert) au cours des premiers entretiens. Les propos tenus sont très lisses, ponctués de petites phrases trop calculées. C’est la jeune journaliste Léa (Lison Daniel) qui fera de cette idylle aux connivences refoulées, une danse de vérités.
Un président normal doit dire ça
En refusant de se mettre en scène, Davet et Lhomme créent une fiction aussi folle que la réalité. Hollande est un animal politique difficile à cerner. Scali Delpeyrat incarne avec minutie toute l’ambiguïté entre l’image médiatique de l’homme présidentiel et celle de l’homme d’État. La mise en scène de Charles Templon met dans un premier temps le spectateur à distance du président. Petit à petit, le politique sort du cadre imagé pour illustrer une complicité impudique.
Hollande est montré à la fois comme sympathique, sincère, normal. Mais aussi revanchard envers toute la classe politique, pétrie d’un malin plaisir d’avoir les tous pouvoirs, d’être un Machiavel qui dissimule ses véritables intentions sous le masque d’un faux benêt adepte du bon mot. Que cherche-t-il vraiment à travers ces entretiens ? À justifier son programme, à légitimité sa capacité à présider, à briser les codes du politique pour embrasser cette transparence exigée par la vox populi. Lui seul le sait.
Un chef d’État ne devrait pas dire ça
Ce qui est certain, c’est que le service politique du « Monde » n’a pas apprécié cet accès privé au président. Hélène Babu en directrice de la rédaction excédée par cette guerre d’égo intestine, traduit avec un humour ravageur ces 5 années de tension au journal. Davet et Lhomme profitent également de cette adaptation romancée pour nous sensibiliser sur les valeurs et difficultés du journalisme face à l’actualité en temps réel. Ce qui donne encore plus de l’importance au recul qu’offre la pièce sur ce quinquennat.
5 ans marqués à jamais par les attentats. Toutes les facettes de l’homme se conjuguent alors soudain face à l’horreur en une seule figure de chef d’État. Ce que Hollande était avant ces événements dramatiques, mais qu’il et nous refusions d’admettre. La force de ce recueil d’entretiens réside qu’il y a eu un avant et un après 13 novembre, et que restent le poids des mots pour en dessiner le portrait de notre société. On dit souvent qu’on a les politiques qu’on mérite. Une maxime qui s’applique aussi à l’image et à la parole qu’on attend d’un président.
« Un président ne devrait pas dire ça… »
au Théâtre Libre
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