Les poèmes de Bernard Anton sont des « Lauriers pour l’Ukraine »

Les poèmes de Bernard Anton sont des « Lauriers pour l’Ukraine »

Les éditions de l’Harmattan ont déjà publié de nombreux ouvrages de l’artiste engagé Bernard Anton. Ce groupe éditorial français a vu le jour en 1975, il s’agit d’une des maisons d’édition les plus connues à l’échelle nationale et même à l’étranger. Au sein de la structure « Les impliqués Editeur », Bernard Anton a présenté des recueils poétiques, dont les dernières sont les « Célébrades » et les « Montagnes de cendres »  entre 2020 et 2022 que j’ai déjà pu découvrir grâce à l’agence Media Livres.

Derrière ces livres poignants semblables aux « Lauriers pour l’Ukraine » se trouve Bernard Anton. Ce professeur spécialisé dans l’humanisme et la poésie s’est illustré de multiples fois par cet art originaire du Japon, le haïku. Pensé pour retranscrire des scènes souvent éphémères, par des images efficaces qui célèbrent et décrivent l’instant présent. Au sein de cette œuvre courte, l’auteur ultra prolifique s’attaque à une crise mondiale sans précédent. Auparavant, l’écrivain avait déjà mis en lumière ses combats de vie, dont son engagement pour la protection de l’environnement. Ce défenseur des droits des animaux et de la nature plus généralement s’est inspiré de Brigitte Bardot dans les Célébrades. Ici, il récidive en consacrant une partie de l’ouvrage à son rôle dans le western des « Pétroleuses », où elle partage l’affiche avec Claudia Cardinale. Mais plutôt que de dédier ce recueil à la fameuse « BB », l’auteur prend un virage nettement plus sombre, avec une majeure partie du livre qui expose la terreur et aux atrocités de la guerre. Sous un angle très animiste, Bernard Anton donne vie à une planète souffrant elle aussi – des conflits armés.

Pour rappel, l’animisme est une croyance dans laquelle une personne prête une âme aux objets non animés, cela peut également concerner les animaux ou même des lieux comme les montagnes, par exemple. Très répandu dans les cultures autochtones des natifs américains, il est intéressant de noter que l’auteur vit aujourd’hui au Québec. Les Amérindiens du Québec sont algonquiens, iroquois et inuits. De nombreux peuples aux spiritualités complexes, qui partagent des mythes en commun. S’est-il inspiré des chamans et clans autour de lui, pour définir sa propre vision du monde et de l’au-delà ? Dans cette contemplation de la vie qui s’écrase face aux chars et aux troupes armées, Bernard Anton s’interroge sur l’avenir. « Des larmes pour l’Ukraine » qui prennent la forme de haïkus terribles, qui s’indignent dans une guerre qui n’a pas de sens. Finalement, l’angle choisi par l’auteur semble vouloir supposer que la cruauté humaine est le plus grand mal de la planète.

Mais puisque Bernard Anton n’est pas moralisateur, il appelle surtout à une réflexion plus profonde, concernant l’impact de l’humain sur la Terre. À une ère où l’urgence climatique est plus dramatique que jamais, il est important de secouer les consciences et de pointer du doigt des vérités qui dérangent. Dans ce combat entre Ukrainiens et Russes, le champ de bataille est déjà en déclin. En réalité, lorsque les guerres se jouent et détruisent, la faune et la flore subissent. Bien entendu, l’humain défend avant tout à sa propre espèce : il songe à l’écosystème en second plan. Mais n’est-ce pas précisément la raison de ce massacre continu, qui étouffe le vivant ? En agissant de la sorte, l’Homme se désolidarise de son monde, auquel il appartient. Il serait peut-être temps de penser « global » et de jouer sur cette unité utopiste certes, mais porteuse d’espoir.

Puisque Bernard Anton est un auteur prolifique qui puise ses inspirations dans ce qui l’entoure, il ne compte pas s’en tenir qu’à son opposition à la guerre. Pour mieux sublimer ce message de paix, il décide d’y inclure d’autres parties, beaucoup plus brèves, mais qui semblent prendre la forme d’un puzzle. Approchées les unes des autres, chaque pièce s’assemble à la perfection. Que cela soit intentionnel ou non, le résultat donne une impression de tableau. Les trente-neuf premières pages sont consacrées à l’Ukraine, les haïkus restants se séparent en des « morceaux », des fragments de vie qui composent le visage du monde. Une face qui n’est ni parfaite et pure, ni corrompue jusqu’à l’os et sans espoir. Dans la partie « Entre la peau et la pulpe », l’écrivain contemple son environnement calme où les animaux vivent en harmonie avec l’humanité. Les saisons s’enchaînent et survivent, dans un rythme maîtrisé, régi par l’énergie d’une nature qui bouge. Les « Libertades » sont plus tournées vers les relations à l’autre, au corps, à l’amour… Tandis que les « Jeux de grâce » se concentrent autour de la figure tant adulée par l’auteur, Brigitte Bardot. La fin de la compilation de poèmes perturbe le lecteur et le trouble. Dans la « Dysharmonie », ce dernier rencontre une plume apeurée, qui a tout abandonné… Et qui finit par se complaire derrière un masque. De quel genre de masque parle-t-on ici ? Est-il plutôt vénitien ou chirurgical ?

Difficile de rester de marbre face à un projet aussi sincère et authentique. Le lecteur découvrant Bernard Anton se trouve en possession d’une œuvre qui le représente bien : engagée, résolument tournée vers l’autre, sensuelle et sensorielle.

A propos Patrick Delort

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