Quelle effervescence au Festival Avignon off en cette canicule du mois de juillet 2019 ! Le public se presse autour des innombrables affiches des plus de 1600 spectacles au programme de cette nouvelle édition du Festival.
Mon attention avait été attirée par le spectacle porté par le Théâtre Toursky dont le chaleureux directeur Richard Martin a signé la mise en scène : Sois un homme mon fils de et avec Bouchta au Théatre du Chien qui fume tous les soirs à 20h50.
L’argument de la pièce :
« Je me presse de rire de tout, de peur d’être obligé d’en pleurer. » Bouchta a fait sienne la citation de Beaumarchais et nous fait rire là où ça fait mal. C’est sa façon de combattre les maux, les tabous, l’intolérance, le machisme, l’homophobie, les mariages forcés… la cruauté banalisée.
Fils d’immigrés algériens installés à Marseille, Bouchta grandit dans l’une des premières cités HLM. Il y connaît les joies de l’accession à un appartement neuf, les ruses de la débrouille… Mais il est le onzième enfant de la famille, « différent » des autres. Commence alors une quête d’identité douloureuse… Le rire est une réponse au tragique. C’est l’antidépresseur idéal. Le réel reste le réel, mais mis en scène, il devient une revanche sur le destin.
Immigration, intégration et homosexualité, avec cette création choc, Richard Martin s’empare d’un sujet brûlant d’actualité. Devant nous, Bouchta, désopilant, explosif, tendre, émouvant, sort de sa coquille, se régénère et nous offre sa Cage aux folles, version couscous.
Mon avis de spectatrice :
Avec un capital sympathie énorme, Bouchta crève la scène ! Devant une salle comble séduite dès la première réplique, Bouchta nous a fait pleurer … de rire sur des sujets terribles dont on ne parle jamais : l’homophobie ambiante, la différence, le mariage forcé, le poids des traditions.
Avec un talent fou, Bouchta sert admirablement un texte d’une finesse incroyable, qui dézingue à tout va les idées reçues et les institutions bien-pensantes. Du rire aux larmes, ce spectacle ambitieux fait réléchir sur la place de l’homme dans l’humanité et soulève de nombreux questionnements sur la liberté de s’assumer tel qu’on est. Quand le regard de l’autre est en permanence une agression, seul le rire reste une échappatoire convenable pour sortir digne de toutes les épreuves.
J’ai ressenti beaucoup d’amour et d’empathie pour le personnage qu’interprète magistralement Bouchta, toujours sur le fil du rasoir, avec une dignité, un naturel désarmant et une sincérité énorme.
La mise en scène de Richard Martin est fine, admirable d’humanité, toute en touches subtiles comme un mille-feuilles savoureux rempli de promesses. Tel un majestueux démiurge, Richard Martin a façonné dans la matière brute de l’acteur débutant Bouchta, l’ébauche d’une merveilleuse étoile montante.
Si vous ne devez voir qu’un seul spectacle pendant ce festival, je vous conseille du fond du coeur ce bijou mille carat : “Sois un homme mon fils”.
Tous les jours du 5 au 28 juillet 2019 au Théâtre du Chien qui fume 75 Rue des Teinturiers 84000 Avignon – www.chienquifume.com – 04 90 85 25 87 Relâche les 10, 17 et 24 juillet 2019
Et du 12 novembre au 31 décembre 2019 au Toursky 16 passage Léo Ferré 13003 Marseille
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